- Home
- Samuel Beckett
Selected Poems 1930-1988 Page 6
Selected Poems 1930-1988 Read online
Page 6
en août mil neuf cent trente-deux
ne manquez pas à Stuttgart
la longue Rue Neckar
du néant là l’attrait
n’est plus ce qu’il était
tant le soupçon est fort
d’y être déjà et d’ores
vieil aller
vieux arrêts
aller
absent
absent
arrêter
fous qui disiez
plus jamais
vite
redites
pas à pas
nulle part
nul seul
ne sait comment
petits pas
nulle part
obstinément
rêve
sans fin
ni trêve
à rien
morte parmi
ses mouches mortes
un souffle coulis
berce l’araignée
d’où
la voix qui dit
vis
d’une autre vie
mots survivants
de la vie
encore un moment
tenez-lui compagnie
fleuves et océans
l’ont laissé pour vivant
au ru de Courtablon
près la Mare-Chaudron
de pied ferme
tout en n’attendant plus
il se passe devant
allant sans but
sitôt sorti de l’ermitage
ce fut le calme après l’orage
à l’instant de s’entendre dire
ne plus en avoir pour longtemps
la vie à lui enfin sourire
se mit de toutes ses dents
la nuit venue où l’âme allait
enfin lui être réclamée
voilà-t-il pas qu’incontinent
il la rendit une heure avant
pas davantage
de souvenirs qu’à l’âge
d’avril un jour
d’un jour
son ombre une nuit
lui reparut
s’allongea pâlit
se dissolut
noire sœur
qui es aux enfers
à tort tranchant
et à travers
qu’est-ce que tu attends
le nain nonagénaire
dans un dernier murmure
de grâce au moins la bière
grandeur nature
à bout de songes un bouquin
au gîte à dire adieu astreint
de chasse lasse fit exprès
d’oublier le chandelier
one dead of night
in the dead still
he looked up
from his book
from that dark
to pore on other dark
till afar
taper faint
the eyes
in the dead still
till afar
his book as by
a hand not his
a hand on his
faintly closed
for good or ill
for good and ill
there
the life late led
down there
all done unsaid
again gone
with what to tell
on again
retell
bail bail till better
founder
Là
aller là où jamais avant
à peine là que là toujours
où que là où jamais avant
à peine là que là toujours
go where never before
no sooner there than there always
no matter where never before
no sooner there than there always
Brief Dream
Go end there
One fine day
Where never till then
Till as much as to say
No matter where
No matter when
Comment dire
folie –
folie que de –
que de –
comment dire –
folie que de ce –
depuis –
folie depuis ce –
donné –
folie donné ce que de –
vu –
folie vu ce –
ce –
comment dire –
ceci –
ce ceci –
ceci-ci –
tout ce ceci-ci –
folie donné tout ce –
vu –
folie vu tout ce ceci-ci que de –
que de –
comment dire –
voir –
entrevoir –
croire entrevoir –
vouloir croire entrevoir –
folie que de vouloir croire entrevoir quoi –
quoi –
comment dire –
et où –
que de vouloir croire entrevoir quoi o`u –
où –
comment dire –
là –
là-bas –
loin –
loin là là-bas –
à peine –
loin là là-bas à peine quoi –
quoi –
comment dire –
vu tout ceci –
tout ce ceci-ci –
folie que de voir quoi –
entrevoir –
croire entrevoir –
vouloir croire entrevoir –
loin là là-bas à peine quoi –
folie que d’y vouloir croire entrevoir quoi –
quoi –
comment dire –
comment dire
what is the word
folly –
folly for to –
for to –
what is the word –
folly from this –
all this –
folly from all this –
given –
folly given all this –
seeing –
folly seeing all this –
this –
what is the word –
this this –
this this here –
all this this here –
folly given all this –
seeing –
folly seeing all this this here –
for to –
what is the word –
see –
glimpse –
seem to glimpse –
need to seem to glimpse –
folly for to need to seem to glimpse –
what –
what is the word –
and where –
folly for to need to seem to glimpse what where –
where –
what is the word –
there –
over there –
away over there –
afar –
afar away over there –
afaint –
afaint afar away over there what –
what –
what is the word –
seeing all this –
all this this –
all this this here –
folly for to see what –
glimpse –
seem to glimpse –
need to seem to glimpse –
afaint afar away over there what –
folly for to need to seem to glimpse afaint afar away over there what –
what –
what is the word –
what is the word
[Translations by Samuel Beckett of poems by others]
EUGENIO MONTALE
Delta
La vita che si rompe nei travasi
secreti a te ho legata:
quella che si dibatte in sé e par quasi
non ti sappia, presenza soffocata.
Quando il tempo s�
��ingorga alle sue dighe
la tua vicenda accordi alla sua immensa,
ed affiori, memoria, più palese
dall’oscura regione ove scendevi,
come ora, al dopopioggia, si riaddensa
il verde ai rami, ai muri il cinabrese.
Tutto ignoro di te fuor del messaggio
muto che mi sostenta sulla via:
se forma esisti o ubbia nella fumea
d’un sogno t’alimenta
la riviera che infebbra, torba, e scroscia
incontro alla marea.
Nulla di te nel vacillar dell’ore
bige o squarciate da un vampo di solfo
fuori che il fischio del rimorchiatore
che dalle brume approda al golfo.
Delta
To thee
I have willed the life drained
in secret transfusions, the life chained
in a coil of restlessness, unaware, self-angry.
When time leans on his dykes
then thine
be his allconsciousness
and memory flower forth in a flame
from the dark sanctuary, and shine
more brightly, as now, the rain over, the dragon’s-blood
on the walls and the green against the branches.
Of thee
I know nothing, only
the tidings sustaining my going,
and shall I find
thee shape or the fumes of a dream
drawing life
from the river’s fever boiling darkly against the tide.
Of thee nothing in the grey hours and the hours
torn by a flame of sulphur,
only
the whistle of the tug
whose prow has ridden forth into the bright gulf.
ERNST MOERMAN
Armstrong
Un jour qu’Armstrong jouait au loto avec ses sœurs
Il s’écria: ‘C’est moi qui ai la viande crue’.
Il s’en fit des lèvres et depuis ce jour,
Sa trompette a la nostalgie de leur premier baiser.
Terre noire où fleurit le pavot,
Armstrong conduit le torrent, en robe d’épousée, au sommeil.
Chaque fois que, pour moi, ‘Some of these days’
Traverse vingt épaisseurs de silence,
Il me vient un cheveu blanc
Dans un vertige d’ascenseur.
‘After you’re gone’
Est un miroir où la douleur se regarde vieillir.
‘You driving me crazy’ est une aube tremblante
Où sa trompette à la pupille dilatée
Se promène sans balancier sur les cordes de violon.
Et ‘Confessing’ donne de l’appétit au malheur.
Chant de l’impatience, ta musique noctambule
Se répand dans mes veines où tout prend feu.
Armstrong, petit père Mississippi,
Le lac s’emplit de ta voix
Et la pluie remonte vers le ciel
Vers quels villages abordent tes flèches
Après nous avoir touchés?
Traversent-elles des chevaux sauvages
Avant de nous empoisonner?
Les racines de ton chant se mélangent dans la terre
En suivant les sillons que las foudre a tracés.
Les nuits de Harlem portent l’empreinte de tes ongles
Et la neige fond noire, au soleil de ton cœur.
Je marche, les yeux clos, vers un abîme
Où m’appellent les œillades de tes notes femelles
Plus inquiétantes que l’appel de la mer.
Louis Armstrong
suddenly in the midst of a game of lotto with his sisters
Armstrong let a roar out of him that he had the raw meat
red wet flesh for Louis
and he up and he sliced him two rumplips
since when his trumpet bubbles
their fust buss
poppies burn on the black earth
he weds the flood he lulls her
some of these days muffled in ooze
down down down down
pang of white in my hair
after you’re gone
Narcissus lean and slippered
you’re driving me crazy and the trumpet
is Ole Bull it chassés aghast
out of the throes of morning
down the giddy catgut
and confessing and my woe slavers
the black music it can’t be easy
it threshes the old heart into a spin
into a blaze
Louis lil’ ole fader Mississippi
his voice gushes into the lake
the rain spouts back into heaven
his arrows from afar they fizz through the wild horses
they fang you and me
then they fly home
flurry of lightning in the earth
sockets for his rootbound song
nights of Harlem scored with his nails
snow black slush when his heart rises
his she-notes they have more tentacles than the sea
they woo me they close my eyes
they suck me out of the world
ARTHUR RIMBAUD
Le Bateau ivre
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs:
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus! et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’oeil niais des falots!
Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif, parfois descend;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rhythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l’alcool, plus vastes que vos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour!
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants: je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir!
J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets!
J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteur,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs!
J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le muffle aux Océans poussifs!
J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes, des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux!
J’ai vu fermenter les marais, énormes nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan,
Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces
Et les lointains vers les gouffres cataractant!
Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises,
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums!
J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
Des écumes de fleurs ont béni mes dérades,
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer, dont le sanglot faisait mon roulis doux,
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux …
Presque’île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles